L'AVENIR EST OFFLINE ET ONLINE, LES OPPORTUNITES EXISTENT POUR TOUS
“Ne pas concurrencer les grands mais une approche multichannel ou de niche"
En tant que directeur commercial de Brepols et président de l'association professionnelle Bosta, Bert Lippens est très présent dans le secteur de la papeterie et du matériel de bureau. Avec Bosta, son ambition est de faire s'affilier également des membres du canal de distribution chez Bosta. “Ce n'est qu'en se réunissant tous autour de la table que nous parviendrons à de nouvelles idées et solutions. En deux ans, nous avons engagé quelque 20 revendeurs très pertinents qui sont bien ancrés dans leur marché et leur région. Nous espérons doubler ce nombre à terme."
UNE POSITION EN BETON
Comment avez-vous vu changer le marché ces dernières années chez Brepols?
Bert Lippens: “Il y a environ 10 ans, Brepols a connu un tournant. En tant qu'organisation, nous sommes actifs sur différents terrains et auparavant l'accent pour nous était mis sur le b2b. A l'époque, la plus grande partie de nos produits prenait essentiellement la direction des entreprises pour être utilisés comme cadeau d'affaires ou comme média de communication. Ces produits étaient alors distribués en masse par les banques et les assureurs, par exemple.
"Alors que le monde entier demandait haut et fort notre digitalisation, nos partenaires ont note une hausse du volume de vente des agendas"
Ces 10 dernières années le revirement est complet. Alors qu'avant le rapport était 2/3 BtB et 1/3 retail, c'est désormais l'inverse. Brepols a plus que jamais un solide accent sur le marché du consommateur, même si le BtB reste important avec une part d'un 1/3. Nous voyons une érosion dans le b2b. Cela n'est lié que pour une petite partie aux développements digitaux, cela l'est bien plus aux efforts d'économie des entreprises. Et quand elles économisent, elles économisent notamment sur leur budget marketing."
Comment Brepols a pu compenser cette perte?
Lippens: “Nous l'avons fait en misant sur le marché orienté vers le consommateur. Le client qui était servi à partir du segment b2b, ne recevait subitement plus d'agenda via sa banque ou son assureur. Une grande partie de ces consommateurs est allée chercher son agenda dans le retail. Par ce 'switch', les volumes ne sont pas restés identiques mais nous avons pu passablement approcher de près la valeur. Pour le b2b on vend généralement de gros volumes à bas prix et dans le retail c'est l'inverse. Ceci est lié au contexte, dans le retail le consommateur cherche des produits avec plus de luxe, de fantaisie, un peu plus personnels. Et il est aussi prêt à payer plus. Et alors que le monde entier demandait haut et fort notre digitalisation, nos partenaires ont vu augmenter leur volume de vente. Le consommateur est tout simplement passé du b2b au retail. Par ailleurs, notre organisation s'est fortement engagée dans la diversification. Nous sommes devenus distributeur exclusif de Moleskine, Cross, Sheaffer et nous avons repris la marque de maroquinerie Maverick. Par ailleurs, nous avons récemment repris une entreprise de reliure de livres hollandaise. Brepols ne se limite guère aux agendas."
Brepols est parvenu à garder sa solide position et vous pouvez quand même prétendre être le leader du marché belge sur le plan des calendriers et des agendas. Comment avez-vous pu garder cette position au fil des années?
Lippens: “Effectivement nous pouvons nous qualifier de leader du marché en Belgique et aux Pays-Bas mais nous sommes quand même aussi un bon challenger en France. Ce sont des marchés où nous réalisons plus de 90% de notre chiffre d'affaires et où nous accordons aussi presque toute notre attention. Nous gardons et consolidons une telle position en opérant le choix délibéré d'être très proches de nos clients et d'adopter une approche très directe. Nous investissons fortement dans des commerciaux qui suivent avec le plus d'efficacité possible leurs clients et leur région. Notre assortiment de produits est plus diversifié et il n'est pas simple de le commercialiser. Les agendas, encore toujours notre principale catégorie de produits, sont des produits démodés avec lesquels nous devons chaque année relancer la locomotive. Nous préférons confier cela à des tiers le moins possible."

BOSTA ENRICHIT ET INSPIRE
Vous êtes président de Bosta, comment êtes vous parvenu à cette position?
Lippens: “Je suis devenu membre de Bosta en 2008 et lorsqu'une place s'est libérée dans le conseil d'administration vers 2010, je me suis senti appelé à poser ma candidature. Il y a environ quatre ans, j'ai été élu vice-président. En tant que vice-président, je fais partie du comité exécutif, un petit groupe de quatre membres du conseil d'administration qui se réunissent juste un peu plus souvent pour prendre régulièrement des décisions opérationnelles. Et début 2019 est intervenu un changement de président. Chez Bosta, vous ne pouvez être président que deux fois pour deux ans donc le précédent président Frank Schelkens devait faire un pas de côté Au sein du conseil d'administration, on a regardé qui pourrait succéder. On me l'a demandé et j'ai été effectivement élu. Je suis fier de présider cette équipe d'administrateurs engagés et expérimentés."
Que signifie Bosta pour le secteur?
Lippens: “En premier lieu, Bosta est une association professionnelle pour le secteur qui est très fortement axée sur ses membres. Nous essayons d'être un réseau très solide. Avec nos réunions, nous voulons donner à nos membres l'opportunité de se rencontrer et de mieux se connaître afin de se côtoyer aussi lors de réunions en dehors. Le but? L'enrichissement et l'inspiration."
Qui est membre et qui peut devenir membre?
Lippens: “Il y a quatre ans environ Bosta était essentiellement une fédération pour les fabricants, distributeurs et importateurs. Notre conseil d'administration s'est rendu compte que c'était trop limité. 'L'anémie' littéralement. Nous avons alors pris l'initiative d'attirer à nous des personnes du canal de distribution, donc celles qui amènent le produit jusque chez l'utilisateur final BtC ou BtB. Entre-temps nous sommes parvenus à recruter environ 20 membres supplémentaires de ce canal - 20 revendeurs très pertinents qui regardaient Bosta de loin et lisaient à son propos dans les revues professionnelles mais qui se rendent maintenant tout simplement aux réunions des membres. J'estime que c'est un fantastique enrichissement. Avec ces individus autour de la table, nous pouvons parler des problèmes sur le marché et aboutir ensemble à des solutions Notre ambition est certainement de doubler à terme le nombre de membres venant de ce canal."
Comment soutenez-vous encore le secteur?
Lippens: “Nous voulons apporter de la qualité à nos membres sur différents plans, notamment en organisant le salon Papershow. En toute modestie j'ose quand même affirmer que nous sommes le meilleur salon pour le secteur dans la région. Bien entendu nous ne pouvons rivaliser en taille avec, par exemple, Paperworld, mais notre Papershow est le salon le plus pertinent pour l'entrepreneur et le marché locaux. Peu de salons professionnels ont la même dynamique et ceci est dû à l'énergie insufflée par tous les fabricants présents afin d'en faire quelque chose de très beau et de très représentatif. Toute personne qui compte dans notre marché doit y être présent."
DEFIS POUR LE SECTEUR
De par sa longue expérience et le dialogue avec les collègues, Bert Lippens entrevoit cinq défis pour le secteur - difficiles mais pas impossibles à relever.
Le modèle de distribution
Comment a changé le modèle de distribution?
Lippens: “Nous sommes confrontés à un combat entre online ou offline, les briques ou les clics, et les joueurs purs ou l'omnicanal. De nombreux entrepreneurs subissent ce phénomène de façon trop passive à mon avis. Ils doivent savoir que ce changement crée aussi de nombreuses opportunités pour notre secteur. Une chose est claire, combattre la violence des grands tels que les Amazon, Bol.com of Zalando de ce monde est un combat perdu d'avance. Toutefois vous devez savoir que ce sont toutes des organisations, à l'exception peut-être d'Amazon, qui réalisent à peine un bénéfice. Elles génèrent des coûts insensés pour mettre sur pied leur modèle et fidéliser leur clientèle mais elles n'y gagnent pas grand chose. J'ai lu que la grande majorité des webshops débutants fermeront dans quelques mois."
"Les geants de l’internet ont consenti des couts enormes pour mettre en place le modele de distribution actuel mais n’y gagnent pas grand-chose. A question est de savoir a quel point un tel modele est durable"
A quel point un tel modèle est durable?
Lippens: “C'est la question. Ils changent le marché et à mon sens c'est irréversible. Je pense que nous devons partir de l'idée que ce modèle se corrigera progressivement de façon organique. Pour en faire un business model durable, les offreurs en ligne devront à mon avis s'intéresser davantage à l'efficacité, au rendement et à la mobilité."
Vous parlez d'opportunités pour le secteur, où se situent-elles?
Lippens: “Effectivement vous ne devez pas tenter de devenir un généraliste comme Amazon ou Bol.com, ce marché est divisé et vous ne pouvez plus vous y faufiler. Mais celui qui veut signifier quelque chose en ligne a tout intérêt à choisir une approche de niche pour laquelle la taille est cruciale. Par ailleurs, je crois très fort dans l'approche omnicanal par laquelle on construit un webshop à côté des shops physiques. Ava, Standaard Boekhandel, Nias … entre-temps des exemples heureux en Belgique de commerçants qui réagissent ou misent là-dessus avec succès. En effet, ils capitalisent sur le lien solide entre leur 'marque' et leurs clients, et cela n'est que renforcé par une approche en ligne bien pensée."
Assortiment et presentation
Quel assortiment proposer actuellement?
Lippens: “La diversification est la clé quand il s'agit de composer l'assortiment. Le consommateur est très demandeur et il veut être surpris jour après jour. Complètement en dehors de notre branche, mais regardez Zara - ils ont étoffé les collections été et hiver avec cinq à six collections supplémentaires. Ils le font pour conserver le trafic dans leur magasin. Hormis l'effet de surprise, c'est aussi un service. Le consommateur est devenu paresseux et cela fait partie du succès des activités en ligne - rien n'est plus facile qu'acheter depuis son fauteuil. C'est pourquoi les magasins doivent comprendre que s'ils viennent dans votre magasin, ils emportent volontiers d'autres choses. Vous le faites en diversifiant votre assortiment et en ajoutant des produits qui, certes, méritent une place chez votre clientèle mais développent toutefois les catégories existantes. Vous le faites en regardant ce que cherche le client et en offrant une réponse bien pensée."
La présentation joue-t-elle un rôle important?
Lippens: “Certainement, ceci doit aussi changer vers une plus grande expérience, de l'expérience et encore de l'expérience - un grand mot mais tout le monde en parle. Mêmes des joueurs purs tels qu'Amazon ou Coolblue ouvrent des shops physiques, des librairies aménagent des coins café, des barbershops vendent des livres ou des périodiques … Le consommateur ne veut pas simplement acheter un produit. Vous renforcez encore plus l'effet de surprise que j'ai évoqué précédemment.
J'ai un très grand respect pour les entrepreneurs qui sont prêtes à évaluer leur modèle de magasin et investissement maintenant dans de nouveaux concepts attractifs. Allez jeter un coup d'œil dans le magasin récemment rénové de Cockx à Herent, dans les toutes nouvelles filiales d'Ava ou par exemple dans les concept stores des chaussures Torfs. Et vous comprendrez ce que je veux dire."
Durabilité et organisation
Je suppose que l'assortiment doit aussi durer?
Lippens: “Effectivement, le gouvernement a exprimé une grande ambition en matière de durabilité mais soyons honnêtes, nous n'avançons pas, ou pas assez vite. A mon sens, le monde des entreprises comblera les trous que laissent les pouvoirs publics pour des raisons politiques."
Et le monde des entreprises est prêt?
Lippens: “A mon sens, le monde des entreprises est plus disposé à agir parce qu'on ressent directement la pression du consommateur. Le contact entre l'entreprise et le consommateur est différent de celui entre l'électeur et le politicien - il y a plus de paramètres. Les gens expriment ouvertement leur aversion pour par exemple les emballages plastiques et le monde des entreprises apporte effectivement une réponse.
Elles cherchent des alternatives durables et pensent en termes d'économie circulaire. Chez Bosta également, nous unissons nos forces. Avec Responsible Office, nous essayons d'une part d'attirer l'attention sur les produits durables. D'autre part nous voulons montrer quels produits sont soutenus par un certificat environnemental agréé par le gouvernement."
D'après vous, la vente en ligne a aussi une influence sur l'efficacité et l'organisation, de quelle manière?
Lippens: “Nous devons nous soucier de l'effet qu'a la vente en ligne sur notre mobilité, par exemple. A l'heure actuelle, nous nous engluons littéralement dans le trafic et ceci n'est pas seulement lié à l'infrastructure mais également aux nombreuses camionnettes que nous n'avions pas sur les routes avant les activités en ligne. On doit y songer.
Mais nous devons aussi chercher la cause de la diminution de valeur dans la vente en ligne. Les joueurs purs appliquent souvent d'autres marges et dans la lutte visant à séduire le consommateur, ils jouent surtout sur le P du prix et à peine sur les autres P du marketing. En ligne rime souvent avec bon marché, meilleur marché et le meilleur marché. Cela extrait une grande valeur du marché et le seul qui en retire un avantage à court terme, c'est le consommateur. Si l'approche ne devient pas plus intelligente, je vois seulement des perdants à long terme."
Et tout ceci n'est plus réversible?
Lippens: “Non. Il s'agit que le secteur et ceux qui y évoluent se corrigent de façon très organique. Nous allons continuer d'évoluer vers les activités en ligne mais nous devons agir de façon plus réfléchie avec la problématique du service, de la valeur et de la mobilité. Ceux qui ne parviennent pas à s'organiser de façon organique ne survivront pas. Ceux qui y parviennent, ce sont les joueurs où nous ferons encore nos achats en ligne d'ici cinq à dix ans. Et offline, car je crois fortement dans l'hybride. Mais une chose est claire, c'est une recherche pour tout un chacun."