Des librairies plus diversifiees
pour rebooster la presse papier
“Il faut renforcer les trois piliers traditionnels et en developper un 4e”
Les trois dernières années ont été riches en événements pour la société de distribution de presse AMP. En 2016, L'entreprise a pu maintenir ses activités en tant que filiale à part entière de bpost dans le but de rendre le système logistique de distribution de la presse aussi efficace que possible. Tom Vermeirsch a été nommé CCO, en charge de toutes les décisions opérationnelles. “Entre-temps, nous sommes parvenus à optimiser plusieurs domaines afin de répondre aux changements dans le segment de la presse. Notre but est de nous assurer que le détaillant de journaux ne remarque pratiquement aucun de ces changements et que les journaux soient en rayons à temps.“
Puissant appareil logistique
Pouvez-vous résumer les activités reprises sous Ubiway?
Tom Vermeirsch: “Ubiway est en principe le nom générique de toutes les activités exercées par bpost en Belgique. Cela englobe AMP, la société responsable de la distribution de la presse dans toutes les librairies. Il y a également un département de vente au détail Ubiway, qui comprend 220 de nos propres magasins connus sous le nom de Press Shops. Et aussi un département de diversification. Ce sont les trois entités les plus importantes qui relèvent encore aujourd'hui d'Ubiway.
"La presse est sous pression et si nous voulons que le journal reste dans nos rayons, il faut trouver un moyen d'organiser la distribution aussi efficacement que possible"
Pour nous, en tant qu'AMP, notre tâche principale est d'amener la presse dans le magasin du marchand de journaux. Aujourd'hui, nous livrons environ 5.000 à 6.000 titres à environ 5.000 points de vente. Cela comprend 2.600 magasins indépendants, mais nous approvisionnons aussi de grandes chaînes et des stations-service.“
bpost est devenu actionnaire à 100% d'AMP en 2016, pourquoi cette étape a-t-elle été nécessaire à l'époque?
Vermeirsch: “Personne ne passe à côté du fait que la presse est sous pression depuis un certain temps déjà. C'était le cas en 2016 et c'est encore le cas aujourd'hui. Jusqu'en 2016, les éditeurs belges ne distribuaient leur presse en Belgique que par l'intermédiaire de deux fournisseurs – AMP pour les ventes en vrac et bpost pour les abonnements à domicile. Chez AMP, nous distribuions déjà les abonnements aux abonnés qui souscrivaient un abonnement en magasin, il y avait donc déjà une fertilisation croisée. En d'autres termes, jusqu'en 2016, nous avions deux entreprises qui fournissaient les mêmes produits en même temps – un doublon qui représentait de grosses dépenses. Par ailleurs, nous observions aussi une tendance à la baisse dans le segment de la presse et pour que le journal papier continue d'exister le plus longtemps possible et atteigne efficacement ses lecteurs – soit par le biais de la librairie, soit par des abonnements – nous devions travailler ensemble. Sur la base de l'idée de donner sa place au journal papier et en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, il a en effet été décidé en 2016 de tout rassembler sous bpost. Le début d'un très grand projet commercial.“
En quoi consiste ce projet exactement?
Vermeirsch: “L'objectif du projet était d'organiser la distribution des journaux de la manière la plus efficace possible. Cela a nécessité beaucoup de changements logistiques. Pour donner un exemple concret, en plus de l'imprimerie Mediahuis, nous avions un dépôt AMP et un dépôt bpost. A l'origine, les journaux étaient imprimés dans l'imprimerie, les camions étaient chargés, nos chauffeurs parcouraient 1 km jusqu'à notre dépôt, les caisses étaient déchargées, remplies et rechargées et ce n'est qu'ensuite qu'elles étaient transportées chez le marchand de journaux. Même processus chez bpost. Nous avons donc décidé de fermer les deux dépôts et depuis le 1er septembre 2019, nous avons complètement intégré nos dépôts dans l'imprimerie Mediahuis à Paal-Beringen même. De cette façon, nous pouvons livrer plus rapidement et à moindre coût. Un autre exemple d'optimisation, ce sont les livraisons confiées aux facteurs, qui représentent déjà une part de 25%. C'est possible, surtout pour les petits magasins où il n'est pas forcément nécessaire de prévoir des livraisons tôt le matin, ce qui nous permet de réduire de nouveau les coûts.“
"Les distributeurs qui ne s'adaptent pas disparaissent. C'est ce qui s'est passe dans nos pays voisins et c'est dommage. La disparition des distributeurs signifie aussi la disparition du pluralisme de la presse"
Votre objectif était donc de développer un puissant appareil logistique. Est-ce déjà mission accomplie?
Vermeirsch: “Les journaux sont imprimés très tard dans la nuit, souvent à 4 heures du matin, et nous devons nous assurer qu'ils soient en rayons à 5 heures du matin. Bien entendu, cela nécessite une logistique très coûteuse et bien organisée. Disons qu'il s'agit d'un plan à long terme. Nous avons déjà fait beaucoup d'ajustements et en Flandre, ça tourne presque rond. Nous sommes entièrement intégrés dans l'imprimerie De Persgroep à Lokeren et, comme je l'ai déjà dit, depuis le 1er septembre également à Paal-Beringen dans l'imprimerie Mediahuis. Maintenant, reste à faire de même en Wallonie. Le mois dernier, nous avons modifié un dépôt à Liège et nous espérons arriver à faire pareil ailleurs au cour des deux prochaines années. C'est vraiment un plan sur le long terme, et indispensable si nous voulons garder la qualité sous contrôle.“
sans distributeur pas de pluralite
Prenez-vous ces décisions en tenant compte de la position du détaillant?
Vermeirsch: “Bien sûr, tout ce que nous faisons, c'est de remettre ce journal au libraire à temps et de nous assurer que la presse papier ne disparaisse pas à terme. Mais elle doit aussi rester efficace pour les éditeurs, car eux aussi doivent faire face à de nombreux problèmes, tant sur le marché des lecteurs que sur le marché publicitaire.
Mais même si vous regardez AMP, malgré notre forte position sur le marché, nous faisons une perte. Si vous regardez nos comptes annuels, nous perdons environ 25 millions d'euros de chiffre d'affaires chaque année, et nous sommes à la limite d'être dans le rouge. Chaque année, nous atteignons tout juste le seuil de rentabilité. Sans ajustements, nous serons en perte et nous devrons cesser nos activités. C'est ce qui se passe dans nos pays voisins, où il est impossible de négocier des journaux de manière efficace. Cela met en danger le pluralisme de la presse.“
Une triste évolution, que vous expliquez comment?
Vermeirsch: “Nous savons clairement qu'une grande partie du contenu n'est lue qu'en ligne, donc le pas vers la numérisation a été franchi pour de bon. Certes, les jeunes – les consommateurs de demain – sont constamment exposés au commerce électronique et ne viennent plus que rarement en librairie. Et il faudrait faire de la presse un produit d'impulsion. Sous l'effet du commerce électronique, il y a beaucoup moins de trafic dans les magasins et les exploitants et les ventes de presse se retrouvent sous pression. Et cela induit un cercle vicieux.“
la Diversification est la cle
Comment vous préparez-vous à cette vague de numérisation?
Vermeirsch:
“Nous diversifions et élargissons notre gamme avec d'autres produits. Grâce à notre puissant système logistique, nous pouvons effectivement accepter les marchandises à minuit et les mettre en rayon tôt le matin, ce qui nous permet de nous positionner par rapport aux ecommerçants. Notre stratégie consiste donc à compenser le recul du segment de la presse dû à la numérisation avec d'autres produits. Et nous le faisons déjà, nous fournissons déjà 300 des produits les plus vendus, allant des aliments aux boissons. Nous aimerions faire des efforts supplémentaires dans ce domaine en introduisant également de nouveaux types de produits en librairie. Par exemple, nous faisons nos premiers pas prudents dans le domaine des grossistes, mais nous avons l'avantage de pouvoir effectuer des livraisons urgentes sans avoir à les facturer en supplément.
Nous sommes en train de réorganiser fortement cette plate-forme de diversification et de l'élargir avec un pilier de produits non presse. Heureusement, nous avons de l'expérience dans la vente au détail avec nos collègues de Press Shop. Grâce à eux, nous savons quels produits se vendent bien ou non. Nous en tirons beaucoup d'enseignements et c'est un bon point de départ pour transférer ces produits aux marchands de journaux. Nous allons donc travailler encore plus étroitement avec nos collègues du commerce de détail.“
"Trop de librairies comptent sur les 3 piliers traditionnels qui sont en perte de vitesse. La diversification et la recherche d'un 4e pilier sont cruciales a la survie de ces commerces"
La diversification est-elle aussi la clé pour le détaillant?
Vermeirsch: “La diversification est cruciale. C'est là que réside le problème, de nombreux libraires s'appuient encore trop sur les trois piliers traditionnels, qui ont toujours défini leur métier: le tabac, la presse et les paris. Le fait est que tous trois sont sous pression. Ceux qui ne recherchent pas un quatrième pilier auront du mal à passer au travers. Les exploitants doivent tenir compte de l'emplacement du magasin, du type de client et de la façon dont ils peuvent s'y adapter. Etes-vous situé près d'une école? Vous devriez peut-être investir davantage dans des produits d'impulsion comme, par exemple, les confiseries ou même les jouets et les gadgets. Croire que le volume des journaux atteindra le niveau d'il y a dix ans ou que la Loterie nationale cessera les jeux en ligne, c'est se bercer d'illusions – cela n'arrivera pas. Le marché et les besoins des consommateurs changent et les magasins doivent s'y adapter.“
“Nous voulons relancer les magasins qui ferment”
Comment soutenez-vous vos nouvelles librairies?
Vermeirsch: “En collaboration avec les fédérations et Unizo, nous avons mis en place une initiative sous la forme d'un Training Store. Cela comprend une formation gratuite de deux jours pour les nouveaux exploitants.
Nous sommes partis du principe que de nombreux magasins ferment leurs portes. Sur une base nette, nous constatons une perte annuelle de 200 à 250 magasins. Au total, 400 magasins pourraient fermer, mais bon nombre d'entre eux sont repris, de sorte que nous nous attendons à ce que quelque 250 magasins ferment réellement. Nous nous engageons ainsi à trouver de nouveaux exploitants pour les magasins qui ferment leurs portes. Et lorsque nous rencontrons des personnes intéressées, nous les invitons au Training Store.“
En quoi le Training Store est-il intéressant pour les nouveaux exploitants?
Vermeirsch: “Avec le Training Store, nous leur apprenons tout ce que doit savoir un librairie. Nous expliquons qui est qui, comment fonctionne une librairie et comment faire en sorte qu'elle continue à tourner, comment fonctionne Distriweb. Et nous ne nous en tenons pas seulement à la presse, nous les informons également sur tous les acteurs importants des autres piliers, le tabac et les paris. Nous leur montrons toutes les possibilités de diversification et leur apportons aussi des témoignages d'autres libraires qui sont dans le métier depuis des années. Autrement dit, ils acquièrent toutes les connaissances de base pour prendre un bon départ et nous essayons aussi de leur donner une vision à long terme.“
La formation attire beaucoup de monde?
Vermeirsch: “Habituellement, nous voyons une vingtaine de personnes intéressées chaque mois. C'est vrai aussi que ce n'est pas obligatoire et notre Training Store est situé à Anderlecht, donc pour beaucoup de gens la distance est souvent trop grande. C'est quand même agréable de voir ces gens passer par ici. Cela nous permet d'exercer un contrôle de qualité tout de suite. Il n'est pas dans notre intérêt de garder un magasin ouvert grâce aux nouveaux propriétaires si, après deux semaines, il s'avère qu'ils ne sont pas du tout faits pour ça et qu'ils doivent à nouveau mettre la clé sous la porte. Nous recherchons effectivement des personnes motivées et possédant les qualités nécessaires pour garder une librairie ouverte. Nous garantissons ainsi des histoires à succès et nous en avons déjà beaucoup.”