
en entreprise, mais profitera aussi au secteur
TOUT UN SECTEUR A LA CROISEE DES CHEMINS
“Une collaboration plus étroite, c'est de cela dont nous avons besoin"
Jean-Carlos Bollen, Carlo pour ses amis, connaît toutes les ficelles de la papeterie et des fournitures de bureau. Fort de 45 ans d'expérience, il a touché un peu à tout. Après toutes ces années, il travaille comme consultant pour des petites et grandes entreprises dans le secteur des bureaux. “S'il n'y avait pas de fournitures de bureau, l'économie n'aurait jamais été aussi forte. Nous avons donc de quoi être fiers de ce que nous faisons ensemble. Nous devons aussi bien comprendre que nous arrivons à la croisée des chemins. Quel chemin allons-nous prendre? Où nous voyons-nous dans 5 ans? J'ai bien l'une ou l'autre idée à ce sujet.“
DE L'EXPERIENCE A LA PELLE
Vous avez fondé récemment votre bureau de consultance, que fait-il?
Jean-Carlos Bollen: “Avec Conkuur, je veux aider les entrepreneurs de ce secteur à croître dans un marché en déclin. Je m'adresse au commerce de détail comme au fabricant. Tant qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts, je veux m'engager. Au fil des ans, j'ai vu à peu près tous les aspects du monde des affaires et je veux maintenant mettre ces connaissances au service du secteur.“
Comment est-ce que tout a commencé?
Bollen: “Je n'étais pas l'élève le plus appliqué et j'ai commencé à travailler quand j'avais 17 ans. Le paradoxe, c'est que je n'ai pas arrêté d'étudier depuis. A ma façon d'autodidacte. J'ai fait un stage chez Beltelefoon et j'étais responsable de la distribution du matériel de bureau. Il y avait 8.000 employés qui y travaillaient et, à l'époque, le papier et le stylo à bille étaient des outils importants. Le 1er octobre 1977, j'ai commencé chez Schoeters NV, où j'ai contribué à tout développer à partir de 0. L'entreprise ne manquait pas de travail, au point que nous avons dû déménager deux fois dans un bâtiment plus grand en un laps de temps relativement court.“
En quoi avez-vous surpassé la concurrence?
Bollen: “Le service. A l'époque, les employés de bureau devaient faire leurs propres courses. Et il y en avait énormément. Notre modèle économique était unique: nous allions chez le client pour prendre la commande et nous la livrions deux jours plus tard. C'était révolutionnaire. J'ai été représentant des ventes pendant 14 ans et j'ai pris des commandes pour des clients, et pas une seule fois on ne m'a posé la question: “Combien ça va coûter?“ Le prix n'avait pas tant d'importance, le service primait. Nous sommes même allés si loin que nous avons obtenu l'entière confiance du client. Ils n'ont pas fait d'inventaire, mais nous l'ont confié. Nous savions mieux ce dont le client avait besoin que le client lui-même. Au cours des 19 années où j'y ai travaillé, nous avons toujours engagé du personnel.“
Après 19 ans, vous vous êtes senti appelé ailleurs?
Bollen: “J'avais fait le tour de toutes les facettes de l'entreprise, du magasinier à l'acheteur, du marketing au service à la clientèle et du vendeur au directeur des ventes. J'en récolte encore les fruits aujourd'hui. Je suis alors arrivé chez Samko, une société finalement reprise par la société néerlandaise Ahrend, qui a ensuite été rachetée par Lyreco. Chez Samko, j'ai trouvé un défi qui me convient très bien: l'achat. La pierre angulaire de toute organisation. La dynamique qu'implique la recherche d'une situation gagnant-gagnant pour votre entreprise et le fournisseur, est un jeu merveilleux. Aux Pays-Bas, ils étaient beaucoup plus avancés qu'en Belgique, bien qu'on se soit un peu rattrapé depuis.“
L'ACHAT, PIERRE ANGULAIRE DE TOUTE ORGANISATION
Qu'est-ce qui vous séduit tant dans le jeu des achats?
Bollen: “Les Néerlandais Arjan van Weele et Frank Rozemeijer sont les gourous de la stratégie d'approvisionnement. Ils ont une part importante dans le diplôme Nevi reconnu, un diplôme qui prouve que vous maîtrisez parfaitement l'art de l'achat. Pour obtenir ce diplôme, j'ai dû aller à Eindhoven pendant 2 ans, 2 soirs par semaine, mais cela en valait la peine pour moi. Avec la stratégie d'achat, nous avons eu un impact considérable sur le résultat d'exploitation, ce qui signifie que l'attention portée à cette politique a donné des résultats immédiats. Pour être un bon acheteur, vous avez besoin de quelques outils essentiels. La connaissance du marché aide déjà beaucoup. Ajoutez à cela vos compétences en matière d'achat et vous avez déjà 50% de votre boîte à outils. Le plus important reste le volume. Le fait de collaborer avec des partenaires et donc de fusionner nos volumes a fait le reste.“
"Reflechir ensemble a l'evolution du marche et a la façon dont nous pouvons l'anticiper ne fera que nous rendre plus forts. Il faut montrer la voie et ne pas juste suivre les faits"
En tant qu'acheteur, poussez-vous le fournisseur dans ses retranchements?
Bollen: “Je reste convaincu qu'il faut se respecter. Mettre un fournisseur à genoux n'a aucun intérêt pour l'acheteur. Si vous le laissez travailler à perte, vous prenez le risque qu'il fasse faillite et que vous perdiez un bon fournisseur. L'acheteur doit agir correctement et de manière éthique, c'est son atout majeur. Vos fournisseurs sont des partenaires commerciaux importants et certainement pas des personnes à exploiter. Mais en tant qu'acheteur, vous devez rester alerte et orienté résultats.“
Applique-t-on déjà une bonne stratégie d'achat dans notre secteur?
Bollen: “Dans le secteur des bureaux en Belgique, la politique d'achat n'est pas en tête de liste des priorités. A mon avis, nous pourrions acheter beaucoup mieux et nous devrions davantage collaborer. Pour combiner les volumes, vous avez besoin d'un intermédiaire fiable qui fait preuve de la discrétion nécessaire et de la confidentialité lors de l'échange de données. Parfois, nous pensons que, de notre point de vue, nous achetons déjà bien et nous avons peur de partager des données, parce que nous supposons que nos conditions sont meilleures. C'est plutôt naïf de penser cela sans faire de comparaison, non?“
LA COLLABORATION EST LA CLE
En collaborant, le marché pourrait atteindre un autre niveau?
Bollen: “J'en suis certain. Cela soutient non seulement le résultat d'achat, mais aussi l'ensemble de l'industrie. Réfléchir ensemble à l'évolution du marché et à la façon dont nous pouvons l'anticiper, ne fera que nous rendre plus forts. Nous devons montrer la voie et ne pas juste suivre les faits.“
Comment traduire le concept dans la pratique?
Bollen: “Je veux mettre en place une initiative pour rassembler les fabricants et les distributeurs autour d'une réflexion sur l'industrie. Quelle que soit la façon dont on voit les choses, l'industrie évolue dans un sens. On utilise de moins en moins de papier au profit de la numérisation. Pour ne donner qu'un exemple. Le LAAS, Light As A Service, est un concept mis en place par des fabricants de luminaires. Des marques telles que Philips ne fournissent plus de lampes; elles fournissent le service 'lumière'. Elles facturent la 'lumière'. En tant que fabricant, vous allez lancer un produit complètement différent sur le marché. Je me demande si un concept similaire peut être mis en place dans notre secteur.“
"Le commerce local emergera surtout en creant un service de qualite et un bon sentiment avec le client. Tout le monde ne s'arrete pas au prix"
Comment le secteur réagit-il?
Bollen: “Comme les fournitures de bureau sont des biens de consommation, notre industrie estime que l'exemple de Philips ne s'applique pas pour nous. Ce n'est qu'un exemple. Trouvons autre chose ensemble. Un abonnement dans un lieu de travail flexible, par exemple. J'aimerais donc organiser un brainstorming sur ce sujet, afin de trouver un moyen de guider cette industrie vers le même genre de voie.“
Et le consommateur final dans tout ça?
Bollen: “Le consommateur est aussi demandeur. Il y a clairement une volonté de concertation. Dans les années 1980, j'ai inventé et commercialisé le système d'armoires (le fournisseur remplit une armoire et facture ce qui a été consommé, NDLR.). Diverses entreprises de notre secteur offrent encore ce service. Si vous pouvez créer une situation qui profite à tout le monde, et je pense que vous le pouvez, cela ajoute de la valeur et le prix passe au second plan. Y a-t-il une alternative? Attendre que le bon de commande arrive sur votre bureau? Cette époque est définitivement révolue. Vive le commerce de bureau dynamique qui développe des idées nouvelles et fraîches, les teste et les commercialise.“
Le grossiste a-t-il encore une valeur ajoutée?
Bollen: “Il y a sûrement de la valeur ajoutée à créer et je veux y réfléchir. Vous voyez dans la pratique que si le grossiste fait tout le marketing pour les concessionnaires, vous obtenez un marché moins dynamique. En ce qui me concerne, les grossistes devraient pouvoir gérer deux choses parfaitement. Les concepts de longue traîne et de logistique allégée. Cela profite au grossiste, au distributeur, au fabricant et même au consommateur.“
Quand Jean-Carlos cherche à optimiser une entreprise, sa main lui sert de check-list à chaque fois. Chaque doigt représente un pilier important.
Le pouce représente une politique d'achat enthousiaste et donc aussi de coopération.
L'index représente la vision. Où en serons-nous dans X années? Quelle est notre valeur ajoutée?
Le majeur assure l'équilibre et la méthode Kaizen, une philosophie orientale, joue un rôle important à cet égard. Le concept Kaizen a été interprété librement: démolir quelque chose pour en faire quelque chose de meilleur. Il implique tous les membres de votre organisation pour améliorer l'entreprise. Dans chaque branche de votre entreprise, vous devez vous demander si cela crée de la valeur ajoutée, et tous les aspects qui n'en créent pas, doivent être minimisés. Une philosophie Kaizen signifie que vous rassemblez des personnes de différentes branches de votre organisation et les laissez réfléchir ensemble à un problème. Après une durée X, ces personnes trouvent des solutions, qui sont validées ensuite par toutes les personnes de l'entreprise. Et comme tout le monde est impliqué et soutient la même idée, cela vient aussi booster la culture de l'entreprise. Il est toutefois nécessaire de bien superviser une séance de Kaizen.
L'annulaire représente la loyauté, en particulier la loyauté des employés et à leur égard. Le personnel, ambassadeur de l'entreprise, est d'une valeur inestimable. Cela implique un respect mutuel, une confiance solide et une communication ouverte. Une culture d'entreprise saine est particulièrement importante.
Le petit doigt représente les ventes. Jean-Carlos croit que nous pouvons mieux servir nos clients. Les recherches montrent que 92% de tous les achats sont une décision sur la base des sentiments. Seuls 8% sont des décisions purement rationnelle. “Laissez les 8% acheter à votre concurrent“, nous conseille Jean-Carlos.
RISQUES ET OPPORTUNITES
Le secteur craint-il une menace?
Bollen: “Menace est un grand mot. Les grands acteurs de l'e-commerce comme bol.com sont nos principaux concurrents. Alibaba construit à Liège et Amazon arrive aussi chez nous. Nous pouvons nous plaindre qu'ils sont là, mais nous pouvons aussi travailler avec eux et prendre d'autres directions nous-mêmes. Le commerce local émergera en s'adaptant pour créer un service de qualité et un bon sentiment auprès du client. Tout le monde ne s'arrête pas au prix. Le commerce électronique connaît ce succès en raison de sa rapidité, de sa large gamme et de sa facilité de commande. Facilitez la vie quotidienne de vos clients en leur permettant de passer commande auprès de vous. Et bien sûr, faites-le par le biais de votre boutique en ligne.“
Les commerçants locaux ne souffrent-ils pas de la pression exercée par les acteurs internationaux?
Bollen: “L'acteur local est voué à porter l'industrie à l'avenir. Les gros acteurs se retrouvent avec les gros contrats sur lesquels ils ne font pas de marge. A un moment donné, ils vont devoir passer à autre chose. Puis viendra le moment où le gouvernement et les grandes entreprises supplieront pour trouver quelqu'un qui peut leur fournir du matériel de bureau. Là, ils se tourneront vers les entreprises locaux.“
Vous avez lancé le projet Responsible Office de Bosta, vous l'appliquez aussi au sein de Conkuur?
Bollen: “La durabilité est très importante pour moi. Je continue de faire pression auprès des politiques pour qu'ils investissent réellement dans les achats circulaires. Le gouvernement européen doit aussi jouer un rôle plus important dans ce sens. A long terme, ils veulent que la durabilité soit prise en compte dans les appels d'offres publics et que l'on rende les appels d'offres plus accessibles aux PME. Les fabricants seront obligés de privilégier les produits durables. Bientôt, le produit standard sera durable et circulaire. Qu'est-ce qu'on attend? Ici aussi, soyons proactifs et agissons en tant que pionniers, pour offrir un bel avenir à notre secteur.“